3

Plus tard, Wallander se souviendrait de la fille qui avait brûlé dans le champ de colza comme on se souvient avec une extrême réticence d’un cauchemar lointain qu’on préférerait oublier. Même s’il conserva jusqu’à une heure avancée de la nuit un calme apparent, il ne put ensuite se rappeler que des détails sans importance. Cette impassibilité avait surpris Martinsson, Hansson, et tout particulièrement Ann-Britt Höglund. Mais ils n’avaient pas pu traverser ce bouclier qu’il avait dressé devant lui. Il régnait en son for intérieur une dévastation semblable à celle qui règne dans une maison qui vient de s’effondrer.

Il fut de retour dans son appartement un peu après deux heures du matin. Et ce n’est qu’à ce moment-là, une fois assis dans son canapé, sans même avoir retiré ses habits noircis et ses bottes boueuses, que le bouclier se brisa. Il s’était versé un verre de whisky, les portes-fenêtres ouvertes laissaient entrer l’air de cette nuit d’été, et il se mit à pleurer comme un enfant.

Cette fille qui s’était immolée par le feu avait aussi été un enfant. Elle lui avait fait penser à sa propre fille, Linda.

Au cours de toutes ces années passées dans la police, il avait développé une grande capacité à affronter tout ce qui pouvait l’attendre là où quelqu’un avait trouvé une mort brutale et soudaine. Il avait vu des hommes qui s’étaient pendus, qui s’étaient enfoncé des canons de fusil dans la bouche, qui s’étaient pulvérisés. D’une certaine manière, il avait appris à supporter ce qu’il voyait, et à l’évacuer ensuite. Mais quand des enfants ou des jeunes gens étaient concernés, ça ne fonctionnait pas. Il était aussi vulnérable qu’à ses débuts dans la police. La majorité des policiers réagissait de la même manière, il le savait. Quand des enfants ou des jeunes gens mouraient brutalement, de manière absurde, l’armure façonnée par l’habitude craquait. Et il en serait ainsi tant qu’il travaillerait dans la police.

Mais quand le bouclier se brisa, il avait déjà derrière lui la phase initiale de l’enquête, qui avait été menée de façon exemplaire. Avec des restes de vomi autour de la bouche, il se précipita vers Salomonsson, qui regardait sans y croire son champ de colza en feu, pour lui demander où était le téléphone. Comme le fermier semblait ne pas comprendre le sens de sa question, il le bouscula et entra dans la maison. Il y régnait l’odeur aigre d’un vieil homme qui ne se lave pas. Il trouva le téléphone dans l’entrée et composa le numéro d’urgence, le 90 000. À la standardiste qui prit l’appel il décrivit ce qui s’était passé avec un calme parfait et demanda tout le personnel disponible. Les flammes du champ embrasé illuminaient les vitres comme si des projecteurs puissants avaient assuré l’éclairage en ce soir d’été. Il téléphona à Martinsson, et tomba d’abord sur sa fille aînée, puis sur sa femme qui partirent chercher Martinsson dans le jardin où il tondait sa pelouse. Aussi brièvement que possible, il expliqua les faits et demanda à Martinsson d’appeler Hansson et Ann-Britt Höglund. Puis il alla dans la cuisine se rincer le visage au robinet. Quand il ressortit, Salomonsson était toujours au même endroit, immobile, comme assommé par le spectacle incompréhensible qui se déroulait sous ses yeux. Une voiture arriva avec les voisins les plus proches. Mais Wallander leur hurla de rester à distance. Il ne les autorisa même pas à s’approcher de Salomonsson. Il entendit les sirènes des pompiers dans le lointain, c’étaient toujours eux qui arrivaient les premiers. Tout de suite après suivirent deux voitures de police et une ambulance. Le chef des pompiers était Peter Edler, un homme en qui Wallander avait confiance.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

— Je t’expliquerai plus tard, dit Wallander. Mais ne marchez pas là-bas dans le champ. Il y a un mort.

— La maison n’est pas menacée, dit Edler. Ce que nous pouvons faire, c’est circonscrire le feu.

Puis il se tourna vers Salomonsson pour lui demander de quelle largeur étaient les chemins charretiers et les fossés qui séparaient les champs. Pendant ce temps, un des ambulanciers s’approcha de Wallander. Il le connaissait de vue, sans arriver à se rappeler son nom.

— Y a-t-il des blessés ? demanda-t-il.

Wallander secoua la tête.

— Seulement une morte. Elle est dans le champ.

— Alors il nous faut un véhicule de la morgue. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Wallander ne prit pas le temps de répondre. Il se tourna vers Norén, celui des policiers qu’il connaissait le mieux.

— Il y a une femme morte là-bas, dans le champ. Tant que le feu n’est pas éteint, nous ne pouvons rien faire d’autre que d’interdire l’accès au champ.

Norén acquiesça.

— C’est un accident ? demanda-t-il.

— Ça ressemble plutôt à un suicide, répondit Wallander.

Quelques minutes plus tard, à peu près au moment où Martinsson arrivait, Norén lui tendit un gobelet en carton rempli de café. Wallander regarda sa main en se demandant par quel miracle elle ne tremblait pas. L’instant d’après, Hansson et Ann-Britt Höglund arrivèrent en voiture, et il raconta à ses collègues ce qui s’était passé.

À plusieurs reprises, il utilisa la même expression : elle brûlait comme une torche.

— Mais c’est épouvantable ! dit Ann-Britt Höglund.

— C’était même bien pire que ça, dit Wallander. Ne rien pouvoir faire du tout. J’espère qu’aucun d’entre vous n’aura à vivre ça un jour.

Ils regardèrent en silence les pompiers qui travaillaient à circonscrire le feu. Il y avait déjà un grand nombre de curieux rassemblés, mais les policiers les maintenaient à distance.

— À quoi ressemblait-elle ? demanda Martinsson. Tu l’as vue de près ?

Wallander hocha la tête.

— Quelqu’un devrait aller parler au vieux, dit-il. Il s’appelle Salomonsson.

Hansson emmena le fermier dans la cuisine. Ann-Britt Höglund alla voir Peter Edler. Le feu commençait à faiblir. Elle annonça en revenant que tout serait fini dans quelques instants.

— Le colza brûle vite, dit-elle. Et la terre est humide. Il a plu hier.

— Elle était jeune, dit Wallander, les cheveux noirs, et la peau foncée. Elle avait un coupe-vent jaune. Il me semble qu’elle portait un jean. Ce qu’elle avait aux pieds, je n’en sais rien. Et elle était terrorisée.

— De quoi avait-elle peur ? demanda Martinsson.

Wallander réfléchit un instant avant de répondre.

— Elle avait peur de moi. Je n’en suis pas tout à fait certain, mais il m’a semblé aussi qu’elle a eu encore plus peur quand je lui ai crié que j’étais de la police et qu’il fallait qu’elle s’arrête. Autrement, ce qui lui faisait peur, je n’en sais rien.

— Et donc elle a compris ce que tu disais ?

— En tout cas, elle a compris le mot police. Ça, j’en suis sûr.

Il ne restait plus maintenant de l’incendie qu’une épaisse fumée.

— Il n’y avait personne d’autre là-bas, dans le champ ? dit Ann-Britt Höglund. Tu es sûr qu’elle était toute seule ?

— Non, dit Wallander. Je n’en suis pas sûr du tout. Mais je n’ai vu personne en dehors d’elle.

Ils restèrent silencieux, réfléchissant à ce qu’il venait de dire.

Qui était-elle, pensait Wallander. D’où venait-elle ? Pourquoi s’était-elle immolée par le feu ? Si elle voulait mourir, pourquoi avait-elle décidé de s’infliger pareilles souffrances ?

Hansson revint de la cuisine où il avait discuté avec Salomonsson.

— On devrait faire comme en Amérique. On devrait avoir du menthol à se passer sous le nez. Qu’est-ce que ça peut puer, là-dedans ! Les vieux ne devraient pas survivre à leurs femmes.

— Demande à un des ambulanciers de parler avec lui pour voir comment il va, dit Wallander. Il a dû être secoué.

Martinsson partit donner les consignes. Peter Edler retira son casque et s’installa à côté de Wallander.

— Ce sera bientôt fini, dit-il. Mais je vais quand même laisser une voiture ici cette nuit.

— Quand pourrons-nous aller dans le champ ? demanda Wallander.

— Dans moins d’une heure. La fumée va rester dans l’air encore un moment. Mais le sol commence déjà à refroidir.

Wallander emmena Peter Edler un peu à l’écart.

— Qu’est-ce que je risque de voir ? demanda-t-il. Elle s’est versé un bidon de cinq litres d’essence sur elle. Et vu la manière dont tout a explosé, elle devait en avoir versé encore plus autour d’elle.

— Ce ne sera pas bien beau, répondit Edler franchement. Il ne va pas en rester grand-chose.

— Quoi qu’il en soit, nous savons que c’est un suicide, dit Hansson. Nous avons le meilleur des témoins possibles : un policier.

— Qu’a dit Salomonsson ?

— Qu’il ne l’avait jamais vue avant qu’elle ne fasse son apparition là-bas à cinq heures du matin. Il dit la vérité.

— En d’autres termes, nous ne savons pas qui elle est, dit Wallander. Et nous ne savons pas non plus ce qu’elle fuyait.

Hansson le regarda avec étonnement.

— Et pourquoi aurait-elle fui ? demanda-t-il.

— Elle avait peur, dit Wallander. Elle s’est cachée dans un champ de colza. Et quand un policier est arrivé, elle a décidé de s’immoler par le feu.

— Nous ne savons rien de ce qu’elle pensait, dit Hansson. Tu t’es peut-être imaginé qu’elle avait peur.

— Non, dit Wallander. J’ai vu la peur assez souvent pour savoir à quoi elle ressemble.

Un des ambulanciers se dirigea vers eux.

— Nous emmenons le vieux avec nous à l’hôpital. Il ne va pas bien.

Wallander acquiesça.

La voiture des experts de la police arriva aussitôt après. Wallander tenta de repérer dans la fumée l’endroit où se trouvait le cadavre.

— Tu devrais peut-être rentrer chez toi, dit Ann-Britt Höglund. Tu en as vu assez pour ce soir.

— Non, répondit Wallander. Je reste.

Il était huit heures et demie quand la fumée fut dissipée et que Peter Edler leur annonça qu’ils pouvaient pénétrer dans le champ et commencer leur enquête. Bien qu’il fît clair en cette soirée d’été, Wallander avait réclamé des projecteurs.

— Il peut y avoir là-bas autre chose qu’une morte, dit Wallander. Faites attention où vous mettez les pieds. Tous ceux qui n’ont rien de précis à faire là-bas doivent rester à distance.

Il entra seul dans le champ. Les autres restèrent derrière lui à le regarder. Il redoutait ce qu’il allait voir, et il avait peur que le nœud qu’il sentait dans son ventre ne le paralyse.

Il se dirigea droit vers elle. Elle était figée dans la position suppliante qu’il lui avait vue avant qu’elle meure, entourée de flammes crépitantes. Ses cheveux et son visage, ses vêtements avaient été emportés par le feu. Tout ce qui restait, c’était un corps noir calciné qui irradiait encore la peur et l’abandon. Wallander fit demi-tour et franchit le terrain brûlé dans l’autre sens. Un court instant, il eut peur de s’évanouir.

Les experts en criminologie entamèrent leur travail à la lueur des projecteurs, devant lesquels les papillons de nuit s’agglutinaient. Hansson avait ouvert la fenêtre de la cuisine de Salomonsson pour en évacuer l’odeur de renfermé et de vieux. Ils sortirent les chaises et s’installèrent autour de la table de la cuisine. Ann-Britt Höglund suggéra de faire du café sur la cuisinière antique de Salomonsson.

— Il n’y a que du café à faire bouillir, dit-elle après avoir regardé dans tous les tiroirs et les armoires. Ça ira ?

— Ça ira, répondit Wallander. Du moment que c’est fort.

Une horloge ancienne était accrochée au mur, à côté des vieux placards de cuisine. Elle était arrêtée. Wallander avait vu une horloge semblable auparavant, à Riga, chez Baiba. Sur celle-là aussi, les deux aiguilles étaient immobiles. Il y a quelque chose qui s’arrête d’un seul coup, se dit-il. Comme si les aiguilles tentaient d’exorciser les événements qui ne s’étaient pas encore produits en arrêtant le temps. Le mari de Baiba avait été exécuté par une nuit glacée dans le port de Riga. Une jeune fille seule apparaît comme une naufragée dans une mer de colza et fait ses adieux à la vie en s’exposant à la pire douleur qu’on puisse s’infliger.

Elle s’était brûlée elle-même, comme si elle avait été son propre ennemi. Ce n’était pas à lui, le policier qui agitait les bras, qu’elle voulait échapper.

C’était à elle-même.

Le silence qui régnait autour de la table le tira brusquement de ses pensées. Ils le regardaient et attendaient qu’il prenne une initiative. À travers la fenêtre, il apercevait les criminologues qui rampaient autour du corps à la lueur des projecteurs. Un flash crépita, bientôt suivi d’un autre.

— Quelqu’un a appelé la morgue ? demanda Hansson, brusquement.

Pour Wallander, ce fut comme si on avait frappé à coups de massue sur ses tympans. La question simple et concrète de Hansson le ramena à la réalité à laquelle il aurait voulu échapper.

Les images défilèrent dans un halo devant son front, à travers les parties les plus vulnérables de son cerveau. Il roule dans le bel été suédois. La voix de Barbara Hendricks est puissante et claire. Puis il voit une jeune fille se cacher comme un animal inquiet au beau milieu d’un profond champ de colza. La catastrophe surgit de nulle part. Quelque chose se passe qui ne devrait jamais se passer.

Le véhicule de la morgue est en route, il vient emporter l’été lui-même.

— Prytz sait ce qu’il a à faire, dit Martinsson, et Wallander se souvint alors que c’était le nom de l’ambulancier, ce nom qui ne lui était pas revenu.

Il comprit qu’il fallait qu’il dise quelque chose.

— Qu’est-ce que nous savons ? commença-t-il en hésitant, comme si chaque mot lui opposait une résistance. Un vieil agriculteur matinal, et solitaire, découvre une inconnue dans son champ de colza. Il essaie de l’appeler, de la faire partir : il ne veut pas que son colza soit piétiné. Elle se cache pour revenir ensuite, à plusieurs reprises. Il nous appelle tard dans l’après-midi. Je prends ma voiture pour venir ici puisque nos patrouilles sont occupées par des accidents de voitures ; Honnêtement, j’ai du mal à le prendre au sérieux. Je décide de m’en aller et de prévenir l’assistante sociale, car Salomonsson me donne l’impression de ne plus avoir toute sa tête. Puis la femme réapparaît d’un seul coup dans le colza. J’essaie de communiquer avec elle. Mais elle s’enfuit. Ensuite elle lève un bidon en plastique au-dessus de sa tête, s’asperge d’essence et met le feu à sa vie et à son corps avec un briquet. Le reste, vous le connaissez. Elle était seule, elle avait un bidon d’essence, elle s’est suicidée.

Il se tut brusquement, comme s’il ne savait pas ce qu’il devait dire. Puis il poursuivit.

— Nous ne savons pas qui elle est. Nous ne savons pas pourquoi elle s’est suicidée. Je puis en donner un assez bon signalement. C’est tout.

Ann-Britt Höglund prit des tasses à café ébréchées dans une armoire. Martinsson sortit pour uriner dans la cour. À son retour, Wallander reprit sa pénible tentative pour résumer ce qu’il savait et décider de la suite.

— Nous devons arriver à l’identifier. C’est ça, le plus important. En fait, c’est la seule chose qu’on puisse exiger de nous. Il ne nous reste plus qu’à recenser les personnes portées disparues. Comme il m’a semblé qu’elle avait le teint basané, peut-être faut-il contrôler les immigrées et les réfugiées en priorité. Ensuite, il faudra tenir compte de ce que les experts vont trouver.

— En tout cas, nous savons qu’il n’y a pas eu de crime commis, dit Hansson. Notre tâche va par conséquent se limiter à établir qui elle était.

— Elle est forcément arrivée de quelque part, dit Ann-Britt. Est-elle venue à pied ? En vélo ? En voiture ? D’où a-t-elle sorti ses bidons ? Cela fait beaucoup de questions.

— Pourquoi ici précisément ? dit Martinsson. Pourquoi dans le champ de colza de Salomonsson ? Cette ferme est assez isolée des routes principales.

Les questions restèrent en suspens. Norén entra dans la cuisine pour prévenir que des journalistes étaient là en quête d’informations. Wallander, qui avait besoin de bouger, se leva de sa chaise.

— Je vais leur parler, dit-il.

— Explique les choses comme elles sont, dit Hansson.

— Qu’est-ce que je pourrais dire d’autre ?

Il sortit dans la-cour de la ferme, et reconnut immédiatement les deux journalistes. Une jeune femme qui travaillait pour Ystads Allehanda, et un homme plus âgé d’Arbetet.

— On a presque l’impression qu’on tourne un film.

La femme montra les projecteurs dans le champ calciné.

— Ce n’est pas le cas, dit Wallander.

Il raconta ce qui s’était passé. Une femme était morte dans un incendie. Aucun crime n’était suspecté. Mais comme il ignorait son identité, il ne voulait rien dire de plus.

— Est-ce qu’on peut prendre des photos ? demanda l’homme d’Arbetet.

— Vous pouvez prendre toutes les photos que vous voulez, répondit Wallander. À condition de les prendre d’ici. Personne n’a le droit d’aller dans le champ.

Les journalistes se contentèrent de cela et repartirent au volant de leurs voitures. Wallander allait retourner dans la cuisine quand il vit un des criminologues lui faire des signes. Wallander alla à sa rencontre. Il évita de tourner les yeux vers les restes de la femme aux bras tendus. Sven Nyberg, leur expert technique, ronchon, mais d’une compétence unanimement reconnue, s’approcha. Ils s’arrêtèrent à la limite de la zone couverte par les projecteurs. Un vent léger venant de la mer balayait le champ de colza calciné.

— Je crois que nous avons trouvé quelque chose, dit Sven Nyberg.

Il avait à la main un petit sac en plastique qu’il tendit à Wallander. Celui-ci se rapprocha du projecteur. Le sac contenait un bijou en or.

— C’est une médaille avec la Vierge Marie. Il a une inscription. Les lettres DMS.

— Pourquoi est-ce que ça n’a pas fondu ? demanda Wallander.

— Un feu dans un champ ne produit pas une chaleur suffisante pour faire fondre de l’or, répondit Sven Nyberg.

Wallander entendit à sa voix qu’il était fatigué.

— C’est exactement ce dont nous avons besoin. Nous ne savons pas qui elle est, mais on aura au moins ces quelques lettres.

— On va bientôt pouvoir l’emmener.

Sven Nyberg hocha la tête, les yeux tournés vers le fourgon noir qui attendait à côté du champ.

— Qu’est-ce que ça donne ? demanda prudemment Wallander.

Nyberg haussa les épaules.

— Les dents apprendront peut-être quelque chose. Les médecins légistes sont habiles. Tu pourras savoir son âge. Avec les nouvelles techniques génétiques, ils pourront aussi te dire si elle est née ici en Suède de parents suédois, ou si elle vient d’ailleurs.

— Il y a du café dans la cuisine, dit Wallander.

— Pas pour moi, dit Nyberg. Je veux terminer ici aussi vite que possible. Demain matin nous inspecterons tout le champ. Comme ce n’est pas un crime, ça peut attendre demain.

Wallander retourna à la cuisine. Il posa le sac plastique avec le bijou sur la table.

— Voilà quelque chose qui va nous aider, dit-il. Une médaille représentant la Vierge Marie. Avec des lettres inscrites : DMS. Je suggère que vous rentriez maintenant. Je vais rester encore un petit moment.

— À demain matin, neuf heures, dit Hansson en se levant.

— Je me demande qui elle était, dit Martinsson. Il n’y a pas eu crime, mais c’est quand même comme un crime. Comme si elle s’était assassinée.

Wallander hocha la tête.

— Se tuer et se suicider, ce n’est pas toujours pareil. C’est ça ?

— Oui. Mais bien sûr, ça ne veut rien dire. L’été suédois est trop beau et trop court pour que ce genre de choses puisse arriver.

Ils se séparèrent dans la cour de la ferme. Ann-Britt Höglund s’attarda un peu.

— Je suis heureuse de ne pas avoir eu à regarder ça. Je crois que je comprends ce que tu ressens.

Wallander ne répondit pas.

— On se voit demain, dit-il.

Quand les voitures eurent disparu, il s’assit sur les marches du perron. Les projecteurs délimitaient comme une scène déserte sur laquelle devait se produire un spectacle dont il serait le seul spectateur.

Le vent avait commencé à souffler. La chaleur de l’été se faisait toujours attendre. L’air était froid. Assis sur les marches, Wallander s’aperçut qu’il tremblait. Il sentit combien il souhaitait cette chaleur.

L’instant suivant, il se leva et entra dans la maison pour laver les tasses qu’ils avaient utilisées.

Le guerrier solitaire
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